Crozon. — M. le recteur de Crozon nous a adressé la lettre suivante, en date du 6 janvier :
« Monsieur le Directeur,
« Un des abonnés de votre journal, d'une conscience plus délicate que votre correspondant crozonnais, a eu la complaisance et la loyauté de me faire connaître l'attaque dirigée contre moi dans le numéro du Finistère du mercredi 30 décembre. Si, dans la singulière épitre qu'il vous a plu d'insérer, je n'avais lu que des outrages et des grossièretés, je n'y aurais répondu que par le silence et le dédain ; mais à côté des injures j'y relève des imputations fausses et mensongères qu'il est de mon devoir de réfuter et de flétrir.
« 1° Il est faux qu'en annonçant publiquement la suppression de quatre vicariats à Crozon, je me sois posé en martyr. Je n'ai pas dit un mot de moi-même ; je n'avais d'ailleurs pas à me mettre en cause. En effet, la mesure dont pâtissent mes vicaires ne me concerne pas personnellement. Quoi qu'en dise mon peu charitable paroissien, mon traitement n'est pas encore supprimé. En m'exécutant par anticipation, de sa propre autorité et avec une telle désinvolture, ne montre-t-il pas qu'il prend trop naïvement ses désirs pour des réalités? Voudrait-il, par hasard, donner des ordres et dicter des arrêts à M. le ministre des cultes !!
« 2° Il est faux, absolument faux, que mes vicaires soient frappés pour délits politiques. Ils sont tout simplement victimes de l'application d'une loi de finances, qui dans notre seul diocèse supprime tout d'un coup 50 vicariats.
« En un mot, M. le directeur, voire correspondant anonyme m'accuse d'avoir proféré « des mensonges du haut de la chaire de vérité » Je le mets au défit de signer cette calomnie.
« Qu'est donc devenu le beau zèle qu'il affichait pour la vérité ? N'écrivait-il pas fièrement en tête de son furibond réquisitoire : « Il faut que la lumière se fasse ?! » Et voilà que subitement il se sent pris d'un si vif attrait pour l'ombre et les ténèbres, qu'il n'a même pas le courage d'apposer sa signature au bas de cet acte d'accusation !
« Aurait-il compris, que revendiquer au grand jour la responsabilité de certains actes, c’est se vouer d'avance au mépris des cœurs honnêtes et à la juste sévérité des tribunaux?
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« Je vous prie, M. le directeur, et vous requiers, au besoin, d'insérer dans votre prochain numéro cette protestation et ce démenti formel.
« Agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée,
« J.-M. Hameury, curé-doyen de Crozon. »
Voilà la réponse foudroyante que s'est attiré, de la part du pasteur de sa commune, noire correspondant de Crozon.
Il nous semble pourtant que sa lettre, dont la bonne foi est évidente, méritait mieux.
Des suppressions de traitement ont été prononcées, à la suite d'une mesure financière collective, contre d'autres prêtres que ceux qui ont manqué à leur devoir de neutralité électorale; nous l'avons déploré depuis, et notre correspondant se refusait à y croire ; est-ce là un si grand crime?
M. le recteur de Crozon nie qu'il se soit posé lui-même en martyr. Il n'avait, en effet, pour cela, aucun motif, et notre correspondant a commis, à ce propos, une erreur de fait que l'irascible pasteur pouvait relever, sans se livrer à des insinuations d'un caractère peu chrétien.
Ce défaut absolu d'esprit de charité et de modération, qui brille par son absence, dans sa lettre, ne donne-t-il pas à penser qu'il a dû prononcer quelques paroles semblables à celles que notre correspondant met dans sa bouche et qu'il ne conteste pas sérieusement.
Si peu maître de lui, quand il a mis la plume à la main, l'excellent recteur a-t-il pu se contenir dans sa chaire et s'empêcher de donner à son auditoire une idée au moins exagérée de la mesure qu'il annonçait : Voilà ce dont il nous est permis de douter.
En tout cas, l'impression que laisse la lettre de M. le recteur de Crozon est fâcheuse.
Peu différente par le ton de celles que nous ont adressées un certain nombre d'ecclésiastiques, cette lettre concourt malheureusement à prouver que le clergé finistérien se trouve dans une situation d'esprit très-éloignée de la mansuétude évangélique. |
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