UN DRAME D'AMOUR
Un cadavre à Camaret
Depuis longtemps déjà, un jeune homme du village de Lamboézer, en Crozon, M. Jean L., 22 ans, ouvrier maçon chez M. Jourde, entrepreneur à Brest, s'était, dit-on, épris d'une charmante jeune fille, qu'il aurait voulu épouser.
Malheureusement, les parents, pour des motifs que nous ignorons, s'étaient toujours opposés à cette union, et le jeune L. en avait conçu un profond chagrin.
Maintes fois, il lui était arrivé de faire part à plusieurs de ses camarades de ses peines de cœur, mais ceux-ci ne cessaient de lui remonter le moral, ajoutant que ses parents reviendraient certainement, un jour, sur leur détermination.
Jean L. était irrémédiablement blessé, et il avait formé le projet de mettre fin à une existence qui, pour lui, était devenue trop lourde.
Dans la nuit de dimanche à lundi, le malheureux jeune homme avait quitté un de ses amis, avec qui il avait passé la soirée, disant qu'il allait de ce pas se jeter à la mer; mais celui-ci ne prêta aucune importance à ses paroles.
Lundi dernier, un touriste de passage à Camaret ne fut pas peu surpris d'apercevoir un cadavre, au bas d'une falaise, à l'endroit dit le Vorc'h, près du fort Kerbonn.
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Le maire de Camaret, M. Martin, aussitôt prévenu, se rendit sur les lieux, et l'identité du cadavre ne tarda pas à être reconnue.
L'infortuné jeune homme s'était précipité d'une hauteur de cinquante mètres environ ; il avait le crâne complètement fracassé, et son corps ne formait plus qu'une bouillie sanglante.
Dans ces conditions, tout transport paraissait des plus difficiles, car il fallait remonter le cadavre, et l'on fut obligé da l'envoyer prendre par une embarcation, qu'accompagnaient deux gendarmes de la brigade de Crozon, — lugubre voyage, s'il en fut.
La famille de cette victime de l'amour a été prévenue, par les soins du maire de Camaret, du malheur qui était venu la frapper; elle s'est rendue immédiatement sur les lieux de ce drame tragique. On juge de son désespoir.
Les restes du malheureux ont été, avec toutes sortes de précautions, déposés dans le cercueil et ramenées à Crozon, où aura lieu l'inhumation.
Un détail : avant de se précipiter à tout jamais dans le vide, M. Jean L. avait pris soin de retirer ses chaussures, qui ont été retrouvées en haut de la falaise. |
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