Le terrible accident du Toulinguet
Mlles Suzanne Jardin et Marie-Louise Le Golleur, emportées par une lame, et arrachées à la mer, n'ont pu être rappelées à la vie
La triste nouvelle apportée, dimanche soir, par ceux de nos concitoyens qui avaient passé la journée à Camaret, était malheureusement exacte : Mlle Suzanne Jardin, fille de Mme et de M. le capitaine de frégate Jardin, du cadre de réserve, domiciliée chez ses parents, 54, rue Emile-Zola, et Mlle Marie-Louise Le Golleur, fille de Mme et de feu le capitaine de vaisseau Le Golleur, habitant avec sa mère, 2, place La Tour d'Auvergne, se sont noyées en se baignant.
Le bruit de la fin tragique de ces deux malheureuses jeunes filles avait couru en ville, avant-hier, dès le retour du vapeur. Mais les renseignements recueillis par nous étaient imprécis, contradictoires, et nous avons cru devoir demeurer sur une prudente réserve.
La nouvelle de la mort de nos deux concitoyennes nous a hélas ! été confirmée, hier matin, par un ami des familles Jardin et Le Golleur, si sympathiquement connues à Brest.
Le drame
Arrivées le matin avec leurs parents, Mlles Jardin et Le Golleur prenaient un bain, avant le déjeuner, sur la plage de Pen-Hat, au Toulinguet.
Cette plage, nous l'avons dit souvent, est très dangereuse. Les accidents mortels qui ont eu lieu en cet endroit sont nombreux ; le dernier en date est du 26 août 1925.
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L'administration municipale avait promis, à cette époque, de faire mettre des pancartes indiquant qu'il y avait danger de se baigner à Pen-Hat. Mais rien n'a été fait, malgré les judicieux avis de M. Henri Argouarch, le sauveteur bien connu.
Ignorant le danger auquel elles s'exposaient, les trois jeunes filles prenaient donc leurs ébats sur le sable, ayant à peine de l'eau jusqu'à la ceinture, lorsqu'une très haute vague, dite "lame de fond", leur fit perdre pied. Roulées et entraînées vers le large, elles crièrent.
C'est alors que M. Piron se porta à leur secours et réussit, avec l'aide de quelques témoins du drame, parmi lesquels MM. Yves Madézeau, boulanger au Fret, et son cousin, M. Le Traon, instituteur à Brest, à les arracher à la mer.
Tout ce qui peut être fait pour rappeler des noyés à la vie fut tenté par les malheureux parents — dont on devine la douleur — par une doctoresse polonaise et d'autres personnes très dévouées.
L'aînée des filles du commandant Jardin put seule être ranimée. Mais son état inspire encore des inquiétudes. On espère toutefois que, grâce aux soins intelligents dont elle est entourée, elle entrera bientôt en convalescence.
La veillée funèbre
Les corps de Mlles Suzanne Jardin et Marie-Louise Le Golleur furent transportés dans la salle de la mairie, vite fleurie et transformée en chapelle ardente. C'est là que les malheureux parents, abîmés dans leur douleur, passèrent la nuit. [...] |
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