Argol. — Nos lecteurs n'ont peut-être pas oublié ce recteur d'Argol qui se distingua, lors des élections législatives, par ses prédications politiques, et qui, le lendemain du vote, traitait en chaire ses paroissiens de mauvais chrétiens parce qu'ils n'avaient pas voté pour les candidats du presbytère.
M. Hily — c'est son nom — n'a pas changé depuis lors. Son traitement a été suspendu par le ministre des cultes : mais la leçon ne lui a guère profité. Il ne perd aucune occasion de déclamer contre la République et de se mêler de tout ce qui se passe dans la commune, surtout de ce qui ne le regarde pas.
En voulez-vous un exemple ? Voici le plus récent et non le moins significatif.
Vers le milieu du mois de juillet, M. le maire d'Argol se préparait à célébrer la fête patronale de la commune, lorsqu'il reçut la lettre suivante :
Diocèse de Quimper-Paroisse d'Argol.
Argol, le l6 juillet 1886.
Monsieur le Maire,
D'après un bruit qui circule, on aurait annoncé dimanche dernier, à Argol, à l'issue de la grand'messe, que le 18 courant, jour de la fête patronale, il y aura au bourg des jeux publics, après vêpres.
Je pense, Monsieur le Maire, que ce bruit n'est pas fondé; dans le cas contraire, je tiens à vous faire remarquer que c'est un fait sans précédent, et il est de mon devoir de protester contre un pareil abus.
Monsieur le Maire, je fais appel à vos sentiments chrétiens, et j'espère que vous userez de toute votre autorité pour empêcher ces jeux contraires a la sanctification du Dimanche, et au respect dû aux saints patrons de notre paroisse que nous honorons ce jour-là.
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Agréez, Monsieur le Maire, l'assurance de mes sentiments respectueux.
Signé : HILY, recteur.
Vous figurez-vous la stupéfaction de M. le maire d'Argol à la lecture de cette lettre ?
Dans toutes les communes de France et d'ailleurs, on tient à célébrer la fête locale par des réjouissances publiques, et, quelles que soient les opinions diverses des habitants, ils se réunissent tous dans l'idée de donner à cette fête annuelle le plus d'éclat possible.
On se demande en quoi des jeux publics peuvent nuire à la sanctification du dimanche et déplaire aux saints les plus susceptibles.
Mais on a le droit de se demander autre chose. De quoi se mêle, en vérité, M. le recteur d'Argol ? Qui l'empêche de célébrer la fête patronale dans son église ? Et pourquoi veut-il empêcher d'autres de la célébrer au dehors, même après la fin des offices ?
Cette prétention, grotesque dans la forme, n'en est pas moins de nature à prêter à des réflexions sérieuses. Si on laissait faire des prêtres comme M. Hily, ils auraient bientôt accaparé dans leurs mains tous les pouvoirs, civils ou ecclésiastiques, et ils remplaceraient à eux seuls les maires, les préfets, et même les électeurs.
Tout cela se passa sous les yeux de l'évêque de Quimper, qui professe au besoin des opinions très correctes pour son compte, mais qui ne paraît avoir aucun souci de les faire partager par son clergé.
Ah ! nous avons vraiment un diocèse bien conduit ! |
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