Crozon, 12 septembre. — Comme je vous l'ai annoncé sommairement par dépêche avant de partir pour Crozon, la 2° brigade d'infanterie de marine a quitté Brest ce matin.
Dès cinq heures, le 2° régiment arrivait au pont Gueydon, où se trouvaient amarrés les grands remorqueurs du port de guerre le Haleur, l' Aberwrac'h et le Poulmic, ainsi que nombreux chalands et chaloupes.
L'embarquement a eu lieu très rapidement et dans un ordre parfait.
Les officiers surveillaient leur troupe et faisaient aux hommes les recommandations nécessaires sur la manière de se tenir sur les bateaux, de placer les sacs, les fusils, etc. Le plus grand silence a régné pendant l'embarquement, que surveillait d'une façon générale le colonel Monniot et M. de la Follye de Joux, commandant de la brigade.
A six heures trente, les remorqueurs se mettaient en marche et, les nombreux Brestois massés près du grand pont, malgré l’heure matinale, saluaient nos vaillants marsouins en agitant leurs chapeaux. En traversant la rade, les remorqueurs ont passé au milieu des bâtiments de l'escadre du Nord : soldats et marins ont échangé de cordiaux saluts.
A un orage épouvantable accompagné de tonnerres et d'éclairs qui a éclaté au milieu de la nuit dernière, a succèdé un temps à souhait pour les manœuvres. Le soleil commence à se montrer, dardant ses rayons encore faibles sur la magnifique rade de Brest, qui fait l'admiration des nombreux réservistes qui vont prendre part aux manœuvres. A sept heures trente, les troupes arrivent en vue de la pointe de Lanvéoc, où a lieu le débarquement.
Comme pour le départ de Brest, le débarquement se fait en bon ordre. Chaque unité, constituée aussitôt a été reprise par ses officiers.
A huit heures, le 2e régiment fait son entrée à Lanvéoc, où de nombreux drapeaux tricolores et russes flottent aux fenêtres. Les habitants accueillent avec joie l'arrivée de nos soldats de marine.
A la même heure le 6e régiment quittait Brest et se dirigeait, par les remorqueurs, sur la pointe de Lanvéoc.
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Comme pour le 2°, l'embarquement a été rapide.
A neuf heures et demie, le 2e régiment, qui n'avait fait qu'une courte halte à Lanvéoc, arrivait à Crozon où il cantonnera pendant toute la durée des manœuvres.
En ville règne une très vive animation, partout les drapeaux flottent au vent, la population est dans les rues, aux fenêtres ! On remarque de nombreuses familles parisiennes qui passent la saison à Morgat.
Précédé de ses tambours et de sa musique, le 2e entre à Crozon par la route du Fret. Les musiciens, parmi lesquels on remarque un soldat nègre, d'un beau noir, jouent un très entrainant pas-redoublé. Le public applaudit et salue.
On ne saurait décrire la joie des habitants de Crozon d'avoir pendant une semaine chez eux ces soldats d'infanterie de marine, dont la plus grande partie portent des médailles coloniales et deux ou trois chevrons aux manches de leurs vareuses. !
Partout on leur fait fête. Les notabilités du pays viennent saluer le colonel Monniot et les officiers pendant que les pêcheurs, les cultivateurs, les retraités trinquent avec les soldats. Quelques moments après, on procède à l'installation du cantonnement et à la répartition des logements des officiers.
La salle des rapports a été installée à la mairie; l'adjudant de semaine installe sou bureau dans un débit. Les soldats logés chez les habitants, dans les hangars, dans les cours, font la cuisine en plein air. Le spectacle de la petite ville bretonne ainsi transformée est des plus pittoresques ! Le 6e régiment a établi son cantonnement au bourg de Lanvéoc.
A midi, le déjeuner réunit autour de la table d'hôte de l'Hôtel de France de Crozon le colonel Monniot et ses officiers.
Aujourd'hui, pour ne pas trop fatiguer les soldats, les régiments ont manœuvré isolément dans l'après-midi, à proximité de leurs cantonnements.
Les véritables manœuvres ne commenceront que demain.
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