Camaret. — Une furieuse tempête du nord-ouest a sévi dans la nuit du 13 au 14 février sur notre port ; 21 navires du commerce étaient en relâche ici. Une quinzaine étaient mouillés en grande rade. Une douzaine de ceux-ci ont chassé sur leurs ancres, six d'entre eux ont tout cassé et ont fait naufrage de neuf heures à 9 heures et demie du soir, cinq dans la grève de Stang-ar-Prat où les équipages se sont relativement assez facilement sauvés ; le sixième a atterri sous la haute falaise de la "Mort Anglaise", au milieu de grands rochers.
Les quelques personnes qui s'étaient rendues à la côte à l'appel du tocsin, sonné par le soufflet du bateau de sauvetage, s'étaient arrêtées à Stang-ar-Prat, quand le sieur Largenton qui avait été jusqu'au bateau en perdition sur la "Mort Anglaise" apprit à ces gens que l'équipage de ce bateau était en danger de se noyer. Toutes coururent vers ce point et se mirent immédiatement à l'eau, car l'équipage appelait au secours. Une amarre jetée du bord fut saisie et un va et vient installé. Un matelot vint le premier à terre, puis le mousse et les 8 hommes abordèrent sans accident.
Les sauveteurs étaient dans l'eau, sous le brisant, pour recevoir les naufragés, qui tous arrivaient à terre sur le dos et étaient lestement relevés dès que l'on pouvait les "crocher". Les sauveteurs étaient au nombre de six ; ce sont : MM. Raoul, enseigne de vaisseau, en congé; Martel, commis du commissariat; Guyomard, gendarme; Mme Sévellec; Floch, Michel, maître-boulanger; Charpentier, quartier-maître en congé, et Largenton, Hervé, commis de magasin ; ces deux derniers méritent une mention spéciale pour s'être portés aussi avant que possible sous les paquets de mer.
Le canon porte-amarre, trainé par les douaniers, arrivait à la grève au moment où le dernier des naufragés atterrissait.
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En somme, les 39 hommes d'équipage montant les 6 navires naufragés ont été sauvés sans le moindre accident.
Il fallait à ces sauveteurs un extrême dévouement pour aller en sortant du lit, en pleine nuit, sous un pareil ouragan, par des chemins impossibles, à 4 kilomètres, aider aux sauvetages de ces malheureux.
Les navires naufragés sont :

— 15 février. — Il est 2 heures de relevée, le bateau de sauvetage vient d'être lancé et va se tenir à flot en cas de besoin. Le vent souffle en tempête du sud; on craint une nouvelle saute de vent. Les navires en rade seraient alors de nouveau en danger.
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D'après le correspondant du Finistère, une femme, Mme Sévellec, est parmi les sauveteurs. Dans les Annales du sauvetage maritime, Sévellec est mentionné comme étant homme.
Et pourtant... Nous venons de trouver cette précision dans la Dépêche de Brest du 16/02/1900 : Nous tenons également à dire qu'une femme n'a pas craint de braver la furie du temps pour aller, accompagnée d'un des siens, porter secours aux naufragés. Il est vrai que cette jeune fille a de qui tenir; son père est un vieux sauveteur, M. Raoul, qui n'a jamais marchandé son dévouement.
Par ailleurs, dans la Dépêche du 22/03/1900, sont annoncés des récompenses et témoignages de satisfaction pour les sauveteurs, dont M. Guyomard, gendarme, et Mme Guyomard.
Alors, Mme Sévellec, Raoul ou Guyomard ?... le mystère demeure.
La Dépêche précise également que le vent n'avait pas soufflé aussi fort depuis 1878. |