L'intervention du préfet du Finistère.
Comme suite à la circulaire que nous reproduisons, M. le préfet Collignon a résolu de se rendre en personne dans les principaux centres de résistance et d'y faire appel au calme et à la conciliation.
Il a commencé par Crozon, où il est arrivé dimanche à 10 h. du matin, en compagnie de M. Duval, sous-préfet de Châteaulin, et de M. Tomasi, commissaire spécial.
La population, prévenue de l’arrivée des autorités, était massée sur la place de la mairie.
Le conseil municipal était assemblé dans la salle de la justice de paix. M. Mercier, un des chefs du parti réactionnaire, avait été convoqué, ainsi que le curé et un certain nombre de militants.
M. le préfet a pris longuement la parole.
Après avoir exposé l'économie de la loi sur les associations et s'être principalement attaché à l'interprétation des articles 13 et 18, il a rappelé qu'au mois de décembre 1901 des circulaires avaient avisé les conseils municipaux et les communautés religieuses qu'une demande d'autorisation devait être formulée avant le 15 janvier 1902, faute de quoi seraient formés les établissements qui auraient négligé cette formalité. Il a montré que le gouvernement, dans un but de conciliation, avait accordé un nouveau délai de trois mois aux congrégations pour se mettre en règle.
Faisant ensuite appel au sentiment de respect de la loi qui est inné dans le cœur des Bretons ; « La loi, a-t-il dit, sera exécutée, coûte que coûte, à Crozon comme ailleurs. S'il se produit des violences, la responsabilité incombera à ceux qui organisent la résistance.
Le curé, M. Mercier et d’autres personnes sont intervenues pour exposer le cas de la supérieure de l'école.
— En cas de fermeture, inquiéterait-on cette religieuse, octogénaire et malade ?
M. le préfet a répondu qu'il avait pour devoir de faire fermer l'école ; mais il consentirait à laisser la supérieure dans l'ouvroir y attenant, où elle pourrait recevoir les soins nécessaires.
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L'entrevue a pris fin sur ces mots.
A la sortie, la population a accompagné les autorités par les cris de : Vivent les sœurs ! Vive la liberté !
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LES EXPULSIONS
LA JOURNEE DU LUNDI
Les décrets de fermeture ont été exécutés lundi à Fouesnant, Gouézec, Crozon, Ploujean, Plouézoc'h, Saint-Jean-du-Doigt et Morlaix.
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A Crozon, des estafettes qui veillaient autour du bourg donnèrent l'éveil avec leurs clairons dès cinq heures du matin, et en un instant, plus de 2.000 personnes accoururent de toutes parts. A six heures, six brigades de gendarmerie accompagnant trois commissaires arrivaient devant l'école.
Des barricades avaient été élevées aux abords ; dans la cour se pressaient des manifestants armés de bâtons et de pierres.
Un des commissaires, M.Tomasi, s'avance et fait les sommations d'usage ; elles sont sans résultat. Ordre est donné au serrurier d'enfoncer la porte barricadée. Pendant qu'il y travaille, il est hué, couvert d'injures et de menaces. Des pierres sont lancées ; une bousculade se produit. Un gendarme est culbuté et piétiné.
Des sommations sont faites. M. Miossec, député, et le clergé essaient de calmer les manifestants.
Enfin la porte est ouverte et les commissaires peuvent pénétrer dans l'école, d'où, sur leur invitation, sortent bientôt les religieuses, M. Miossec donnant le bras à la supérieure. Elles sont recueillies chez des habitants.
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