Devant la gravité de la situation et probablement sur les instructions du défroqué Combes, M. Collignon, préfet du Finistère a fait dans les centres où la résistance à l’oppression paraissait devoir être la plus vive, une tournée dite de conciliation.
Ce haut fonctionnaire avait assumé là une mission difficile. Les Bretons veulent envers et contre tous garder les sœurs ; c’est très simple. M. le préfet veut les expulser envers et contre tous ; c’est très simple encore.
Ce qui est tout à fait compliqué c’est de concilier deux volontés aussi parfaitement contraires.
Disons tout de suite que M. le préfet n’a pas réussi ce tour de force.
M. le préfet est arrivé au bourg de Crozon dimanche vers 10 heures, accompagné de M. Duval, sous-préfet de Châteaulin et de M. Tomasi, commissaire spécial. La population, naturellement, avait été prévenue par les surveillants ordinaires.
M. le préfet a pu constater au premier contact qu’elle n’était pas d’humeur à se laisser faire.
Paysans et marins formaient des groupes compacts autour de son landau. Un prêtre se trouvait dans la foule. « M. le vicaire, lui disait-on, nous sommes des marins et nous n’avons pas peur ; vous n’avez qu’à dire un mot et nous allons renvoyer cette voiture à Châteaulin. »
Et déjà les poignes vigoureuses soulevaient le véhicule préfectoral à plus de 40 centimètres du sol. M. Collignon est brave certainement, mais il n’était pas tout à fait à l’aise. Il le fut davantage à la mairie où eut lieu ensuite la réunion du conseil municipal demandée par lui.
Elle a commencé aux cris de : Vive la liberté !
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M. le préfet a commenté longuement la loi du 1er juillet 1901 et particulièrement les articles 13 et 18, insistant sur la nécessité d’obéir à cette loi qui, dit-il, sera exécutée coûte que coûte, à Crozon comme ailleurs. On s’en est bien aperçu le lendemain.

Puis il a sommé sèchement le maire, l'honorable M. Louboutin, d’avoir à faire son devoir, en prévenant toute rébellion contre la force armée.
— Je ne puis répondre de rien, riposta le maire, si l’on emploie la violence.
— Alors, réplique le préfet, si vous ne pouvez maintenir l’ordre, vous devriez donner votre démission.
C’est peut-être ce que voulait M. le préfet en venant à Crozon. Mais à peine a-t-il démasqué ce désir, qu’on crie de tous côtés : « M. le maire peut démissionner, on le réélira quinze jours après. »
A son départ pour le Fret, M. Collignon a été accompagné encore d’énergiques clameurs : « Vivent les Soeurs ! Vive la liberté ! » |
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