Des renseignements détaillés commencent à nous parvenir sur les effets de la terrible bourrasque qui a assailli le 3 septembre les côtes de notre département.
C'est du côté de Douarnenez, comme on le sait, qu'était le principal sujet d'inquiétude. On apprendra avec soulagement que le désastre est loin d'y être aussi étendu qu'on pouvait le craindre aux premières nouvelles.
Les centaines de chaloupes qui s'étaient mises en pêche sont sauvées pour la plupart, à quelques avaries près; on en compte jusqu'ici dix-sept qui, vaincues dans leur lutte contre la mer, sont venues se briser à la côte. Quatre ou cinq hommes composaient l'équipage de chaque chaloupe ; mais on n'a heureusement pas autant de morts à déplorer.
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Les bateaux désemparés ou brisés sont semés le long des côtes, dans toute l'étendue de la baie de Douarnenez, au Rys, à Kervel, à Pentrez, à Beuzec-Cap-Sizun, à Camaret. La plupart appartenaient aux pêcheurs qui en étaient les patrons. En général, la perte est totale et n'est couverte par aucune assurance.
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Dans la baie de Camaret, un bateau de l’État, le Mesquer, annexe du Chamois, navire école des pilotes du port de Rochefort, monté par 8 hommes et son capitaine, Hirvoix, pilote instructeur, après avoir rompu les chaînes qui l'attachaient à ses ancres, a été jeté par la tempête sur les rochers de la côte de Keraudren où il a sombré en quelques instants. L'équipage a pu se sauver. La perte de ce navire est évaluée à 10,000 fr.
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Un autre navire, l'Elisa-Blanck, est également venu à la côte. Nous manquons de détails, mais nous savons que l'équipage a été recueilli dans les brisants par les agents de la douane et de la marine. Même accident est arrivé au sloop Noé, 4 hommes d'équipage, jaugeant 30 tonneaux, capitaine et armateur, Lesteven, qui venait de Brest chargé de diverses marchandises, et se rendait à Douarnenez, son port d'attache. Pris en flanc par la bourrasque il a été broyé, malgré les ancres de secours qu'on avait pris la précaution de jeter à la mer, sur les récifs de la côte de Stang-ar-Prat, en Crozon. Le capitaine et les quatre hommes, composant l'équipage, ont pu heureusement gagner la terre. La valeur du navire était de 12.000 fr., celle de la cargaison 10.000. Rien n'est assuré.
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L'on a observé plusieurs bizarreries dans la marche et dans les effets de la tourmente. Où elle a été le plus intense, le feuillage est desséché, et rougi, ce que ne produisent guère les vents de notre contrée, surtout quand ils viennent comme celui-ci de la mer. Des arbres ont été non-seulement tordus, mais retournés par une évolution complète, comme si une main gigantesque avait voulu les enrouler sur eux-mêmes. A Douarnenez, on nous assure que des meules de paille, enlevées sur la presqu'île de Crozon, étaient apportées par la mer avant qu'on eût senti le moindre souffle de tempête. Ces divers indices font penser que nous avons eu affaire à un véritable cyclone, dont les effets ont été sentis avec plus ou moins de force selon qu'on était plus ou moins éloigné du centre du tourbillon. |
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