La traversée de la Margot.
Brest, 13 octobre. — Nous avons dit que le navire Margot, arrivé dans notre port, avait subit un temps terrible pendant la traversée de Par (Angleterre). Nous extrayons ce qui suit du rapport du capitaine, M. Périgois, excellent marin, à l'habileté de qui le navire dut d'arriver à bon port.
[...] A 5 heures les vents passent au N.-E. La brise prend immédiatement de la force. Serré le grand foc, pesé le point de grand'voile. A six heures, il vente en tempête ; roulé le hunier ; mis en fuite. A 6 h. 30, le navire engage ; coupé l'écoute de goëlette et cargué la misaine galette. A 6 h. 45, la trinquette est défoncée, les cargues de la misaine galette cassent, la corne casse également, coupé les drisses pour l'amener. A 7 heures, le petit foc est déralingué. Envergué la trinquette, pris deux ris dedans. Le pont est constamment couvert d'eau, la mer est affreuse. A 8 heures il ne reste plus rien du petit foc, établi la trinquette.
A 8 heures 30, la grande voile est déralinguée; envergué un grand foc pour servir de voile de cap. A 9 h. 30, établi le grand foc; à 10 heures, il est déralingué. Envergué le flèche pour servir de voile de cap. A 10 h. 30, établi le flèche. Capeyé toute la nuit avec le flèche comme voile de cap et la trinquette à 2 ris. Les paquets de mer sont tellement violents que le coffre est constamment plein d'eau, les logements quoique condamnés sont inondés. Toutes les pièces à eau sont enlevées, les pavois de bâbord défoncés, les drisses et autres manœuvres sont coupées.
Les mâts fatiguent dans leurs emplantures, les jambettes sont ébranlées. La basse carène et la coque souffrent énormément. Car en pompant presque continuellement on arrive tout juste à affranchir la pompe qui, auparavant, ne donnait jamais d'eau. Le gouvernail a également fatigué et le navire doit faire de l'eau par la buve.
Le 3, jusqu'à dix heures du matin, la tempête reste la même. A dix heures, la brise perd de sa force, resté en cape T amure jusqu'au 4 à six heures du matin. Le 4, beau temps, faible brise, envergué une grand'voile, une misaine-goëlette, un petit foc, établi la voilure, fait route à l'E. S. E.
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Le 5 octobre, la brise fraîchit à quatre heures du soir, bonne brise, rentré la fortune, amené le flèche, serré le clin-foc. A 6 heures, le temps a mauvaise apparence, pris un ris dans la trinquette, deux ris dans la grand'voile, mis le hunier au bas ris. A 8 h. 30. les écoutes d'hune cassent, le navire ne pouvant louvoyer sans son hunier ni sa misaine-goëlette, fait route pour Camaret, où j'ai mouillé à 11 heures 30 du soir le 5 octobre.
Le 6 octobre, en rade de Camaret, vents de S.-O., resté au mouillage. A 11 heures du soir, la brise prenant de la force, les vents halant le Nord, mouillé la 2e ancre, filé 4 maillons sur bâbord, 2 1/2 sur tribord. Le 7, à partir de minuit, les vents halent le Nord et la brise augmente continuellement; à 2 heures, le navire chasse sur ses ancres et vient, en dépit de nos efforts, s'échouer à la côte; à 4 heures le navire commence à talonner. La mer continue à baisser jusqu'à 3 h. 30 du matin et à mer basse il ne reste que 5 pieds d'eau sous le navire.
A dix heures, mis le pavillon en berne pour demandeur du secours. A dix heures et demie à marée montante, le navire commence à talonner et des craquements se font entendre à l'avant et à l'arrière. Sondé la pompe, 2 pieds d'eau dans la cale. Mis le signal N.G. de grande distance du code international pour demander au sémaphore de signaler notre position. A onze heures et demie un bateau de Camaret mouille une ancre dans le vent à nous et gouverne pour nous envoyer une aussière de 600 m. de long. Envoyer notre canot à bord du navire de pêche pour prendre 5 hommes d'aide.
En y allant, les hommes du bord cassent 5 avirons pour lutter contre la force du vent et la violence de la mer. Aussitôt la corvée à bord, vive au guindeau sur l'aussière et sur les chaînes. A midi le navire commence à flotter. A midi 30, le remorqueur de l’État Titan envoyé par le Préfet Maritime de Brest vient nous offrir ses secours et nous conduit à la remorque à Brest à seule fin que le navire ̃puisse y être visité et réparé au besoin.
Fait à Brest, le 8 octobre 1904.
Signé Périgois, Capitaine du navire Margot |
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