Crozon
UNE ESCROQUERIE ÉTONNANTE. Il n'est question, à Crozon et dans les communes voisines, que d'une affaire d'escroquerie commise à Paris par des gens habitant Crozon, au préjudice d'une naïve fille originaire de Ploërmel, la fille Le Ray, femme de chambre, en juin 1901, chez Mme Meyer, rue Marbœuf, dans la capitale. Voici comment l'un de nos confrères raconte cette incroyable histoire
« Dans la même maison que la fille Le Ray servaient également, comme cuisinière, Marie-Anne C. et comme valets de chambre Pierre G. et un nommé René Joly. Ces domestiques ne tardèrent pas s'apercevoir de la naïveté de la fille Le Ray et à lui persuader qu'ils étaient sorciers et elle-même ensorcelée, que d'un jour à l'autre le diable pouvait l'enlever. Prise de frayeur et craignant sa damnation, la pauvre insensée se prêta à toutes leurs fantaisies.
Elle commença, sur la demande de la fille C., à lui abandonner toutes ses économies ainsi que ses gages, effets d'habillements et objets de toilette; elle se mit ensuite à travailler toutes les nuits. à des ouvrages de confection destinés à des œuvres pieuses, lui faisait-on croire, et devant lui valoir le salut de son âme. Enfin, rien ne fut négligé pour la terroriser : feux de bengale, projections par la lanterne magique où Sainte-Anne-La-Palud apparaissait, histoires lugubres et table tournante, etc.
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La fille C. de complicité avec G. a extorqué ainsi à la fille Le Ray une somme de 1.900 fr., des effets d'habillement consistant en neuf costumes complets, 75 cravates, noeuds et plastrons, et une quantité d'ouvrages de confection.
La malheureuse fut enfin prise d'un doute un jour, à cause d'une prédiction fausse que lui avait faite la fille C. Cette dernière, voyant que la chose se gâtait, quitta la capitale avec son complice pour revenir dans leur pays, Plonévez-Porzay. Trouvant qu'elle n'avait pas encore assez abusé de la fille Le Ray, la fille C. lui écrivit une lettre de Gourgan, en Plonévez-Porzay, par laquelle on lui demandait une somme de 500 francs pour réparer la ferme et faire des dons à Sainte-Anne-La-Palud; on la priait en outre d'acheter deux chapeaux avec de belles plumes, de 18 francs chacun, afin d'en faire don à Sainte-Anne, qui était très contente d'elle et lui accorderait tout ce qu'elle désirerait. La fille Le Ray se garda bien de répondre et avisée cette fois, mais un peu tard, elle porta plainte à la police.
Peu de temps après, la fille C. épousa G. et ils montérent un hôtel à Crozon avec l'argent extorqué à la fille Le Ray.
Le parquet de Châteaulin a pratiqué une perquisition chez les époux G. et a saisi une certaine quantité d'habillements et d'objets de toilette, qui doivent être transmis an juge d'instruction de Paris chargé de l'affaire. |
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