Après avoir été pays d'ivrognes, Camaret se transforme soudain en ville d'assassins.
C'est M. Tailhade qui le dit ou le fait dire dans son journal.
Je suis, moi-même, qualifié d'assassin imbécile et « j'eusse été heureux, paraît-il, d'avoir à mon actif deux victimes humaines : M. et Mme Tailhade. » Je m'attends, demain, à être traité d'anthropophage !
Je répondrai brièvement à ces facéties :
D'abord, j'avoue que j'ignorais absolument l'existence de Mme Tailhade, et si vraiment j'ai pu causer quelque ennui à cette jeune femme, qu'elle reçoive ici mes plus plates excuses...
Quant à son mari, c'est une autre affaire. Il écrit dans un journal, ses produits appartiennent à tout le monde, et chacun a le droit absolu de les discuter, de les critiquer, de les blâmer.
J'ai cité deux extraits des articles injurieux de M. Tailhade, le premier parce qu'il m'avait semblé outrageusement faux, le deuxième parce que, depuis la reproduction du précédent, j'avais reçu une lettre anonyme me menaçant de mort si je recommençais, et simplement pour démontrer à mon aimable correspondant le cas que je fais de pareilles menaces.
Tailhade dit que mes commentaires sont venimeux.
Le venin, où est-il ? Dans ma prose ou dans la sienne ?
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Dans ma prose signalant l'injure, une injure publique, qui était imprimée depuis deux jours dans un journal parisien, dont le tirage doit être, j'imagine, considérable ?
Dans les articles de Tailhade, stigmatisant, vilipendant toute une race brave, honnête, et contribuant à ridiculiser, aux yeux du pays tout entier, cette Bretagne où, chaque année, il vient chercher le repos et le bon air salubre ; cette Bretagne où il jouit encore, au moment même où j'écris, de la plus complète tranquillité ?
Le public, juge souverain en ces matières, dira où est le venin. J'accepte, d'avance, son verdict.
L'imbécillité, où est-elle, enfin ? Dans mon esprit, dans ma conscience, ou bien dans l'esprit et dans la conscience de ce prétendu apôtre de l'anarchie, réduit, par des événements provoqués de son propre fait, à proclamer la nécessité des gendarmes, l'indispensabilité des tribunaux et des juges, — forcé, enfin, lui, anarchiste professionnel, convaincu et prédicant, de s'abriter derrière les méprisables défenseurs de l'ordre et de la société !
Ah ! mon pauvre Tailhade, la Société Bourgeoise est bien vengée ! Et les gendarmes ont le droit de pouffer.
Louis COUDURIER. |
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