Crozon. — On nous écrit le 26 août :
« Hier, vers trois heures de l'après-midi, la chaloupe l'Aventure, patron François Callec, de Camaret a recueilli en mer dans le sud est de la baie de l'Iroise, l'équipage de la chaloupe de pêche l'Alfredo qui avait sombré après avoir capoté sous voiles.
« Les marins qui montaient l'Alfredo et le patron, Jean-Marie Guéguennou, étaient occupés à mouiller des casiers à homards, lorsqu'une lame poussée par la brise violente du nord-nord-est, qui donnait en ce moment fit sombrer l'embarcation.
« On ne voyait alors à l'horizon qu'une seule voile : c'était celle de l'Aventure, qui se trouvait à trois milles environ du lieu du sinistre ; un heureux hasard voulut que Callec, le patron de l'Aventure, et son frère Pierre qui l'accompagnait, s'aperçussent de la disparition subite du bateau l'Alfredo.
« Ils comprirent qu'un malheur était arrivé, et malgré la distance à franchir, malgré la violence du vent contre laquelle il fallut lutter, ils résolurent de se porter au secours des naufragés.
« Lorsque l'Aventure parvint au lieu du sinistre, il y avait plus d'un heure que les infortunés marins de l'Alfredo ne se soutenaient sur l'eau qu'à l'aide des avirons auxquels ils s'étaient cramponnés.
|
« C'est en vain qu'on chercherait à dire quelles furent les angoisses de ces pauvres gens pendant cette heure terrible qui pouvait être, pour eux, la dernière, et dont chacune des minutes leur semblait si longue à souffrir !
« Quelle énergie ne fallait-il pas qu'ils déployassent pour lutter aussi longtemps contre la mort !
« L'espoir leur a donné la force nécessaire pour attendre que la Providence vint à leur secours : ils ont été sauvés.
« Dès qu'ils eurent été recueillis à bord de l'Aventure, leur faiblesse, leur émotion étaient telles qu'ils s'évanouirent, mais les soins qu'ils reçurent ne tardèrent pas à les ranimer et lorsque le bateau fut rentré au port, lorsqu'on eut appris, à la fois, la perte de l'Alfredo et le sauvetage de ses marins, il serait difficile de dire lesquels, des naufragés arrachés à la mort ou de leurs heureux sauveteurs, reçurent de leurs amis les plus chaleureuses marques de sympathie.
« Quant au bateau, il ne sera guère possible de le renflouer, et c'est là une perte, pour ainsi dire irréparable,car l'Alfredo était le seul gagne pain de Gueguennou qui est marié, père de trois enfants en bas âge, et qui se trouve aujourd'hui sans ressources. » |
 |