BREST.
Les lainages pour le front.
Oh ! les braves petites femmes ! Sur les bancs des promenades, dans les trams, sur les chars à bancs de campagne, je les vois qui, l’œil songeur, le front barré par un pli soucieux, tricotent énergiquement bas, chandails ou cache-nez. Avec tout ce qui nous a été envoyé pour nos chers soldats nous pourrions, à cette heure, composer un magasin... Et comme les cœurs de toutes ces femmes, de toutes ces demoiselles d'école palpitent dans les lettres qui souvent accompagnent ces envois ! [...]
Me voici loin de nos lainages, en apparence. Et pourtant, en travaillant pour des Français inconnus, tous frères sur le front, les femmes de toutes les classes sociales ne concourent-elles pas aussi, à l'union des âmes françaises ?
En visitant les blessés arrivés ces derniers jours, j'ai remarqué que beaucoup de tricots avaient été coupés et étaient devenus inutilisables.
Ceci m'a fait réfléchir.
Je me suis demandé et j'ai demandé autour de moi s'il ne serait pas possible d'avoir un modèle pratique de tricot pour militaire. Voici une idée que me transmet une institutrice distinguée du département : Au lieu de coudre à même avec de la laine les diverses pièces du tricot on pourrait les réunir au moyen d'un lacet passé dans les mailles des côtés et celles des manches.
Le lacet pourrait être enlevé facilement, et remis aussi vite, une fois les soins donnés. Les blessés seraient ainsi bien couverts au lieu d'être remis presque nus aux automobiles militaires d'évacuation. En outre — et ce n'est pas à dédaigner — on réaliserait une économie appréciable en épargnant beaucoup de jerseys.
Il m'avait semblé — mais je suis un profane dans l'espèce — que le chandail ouvert sur l'une des épaules pouvait être enlevé et remis facilement. Mais la solution qu'on me propose me semble digne d'attention. Tout ce qui est de nature à soulager nos pauvres pioupious doit être retenu et essayé par les doigts agiles qui, à cette heure, courent sur les laines.
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II m'est bien agréable de remercier le bureau de bienfaisance de Sibiril, l'école publique des filles de Loquénolé, l'école des filles de Telgruc (deuxième envoi), les écoles libres des filles de Plabennec et de Saint-Marc, l'école publique des garçons d'Argol, la Ligue patriotique de Cléder, les collectivités de Saint-Renan (quatrième envoi), de Lannilis (troisième envoi). Voici que le bonhomme hiver s'avance à grandes enjambées. Les besoins sont pressants, là-bas, dans les tranchées ; aussi avons-nous décidé de faire partir demain pour le service distributeur de l'Écho de Paris, seize ballots du poids commercial, bourrés de chandails, de ceintures, de caleçons, de chaussettes, de chemises, de gilets de flanelle, de serviettes, de plastrons, de passe-montagnes, etc. Merci encore aux âmes généreuses qui se sont dévouées au soulagement de nos soldats.
L’œuvre reste ouverte. Les lainages peuvent continuer à être adressés à notre, dévoué ami, M. Le Calloch, 7, rue Jean Macé.
Dr CARADEC

Malgré que mes yeux soient bien usés
Pour toi je saurais encore tricoter |
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