Dette de gratitude
Je suis bien en retard — et je m'en excuse grandement — pour l'accomplissement de la partie la plus agréable de ma tâche. Je voudrais réunir autour de moi tons ceux qui, chaque jour, m’encouragent par leurs conseils, leurs dons, leurs lettres embaumées de charité, leurs cartons vibrants de patriotisme et dire à ces amis connus ou inconnus quelle reconnaissance émue je leur garde pour le bien qu'ils m'aident à faire. Ils ont un idéal pétri de générosité et de tendresse et c'est à eux que doit aller la gratitude de nos chers soldats.
[...]
Merci aux agents du service actif des douanes de Crozon dont le capitaine m'adresse 31 francs pour les blessés (remis à la Dépêche pour l'hôpital centralisateur).
Merci aux institutrices de Kerloc'h, en Camaret, qui m'ont transmis la souscription de leur école sous une forme très originale, très touchante aussi. Comme les élèves, filles et garçons, de ce patelin ne sont pas riches, les maîtresses ont eu l'ingénieuse idée de demander à chaque enfant un œuf par semaine. Et voilà comment, l'autre jour, je suis arrivé très fier à l'hôpital centralisateur de la rue Danton avec une caisse d'œufs frais qui ont dû chatouiller agréablement le palais des malades et blessés. Cette œuvre de l’œuf « hebdomadaire » n'est, paraît-il, qu'à son début. J'ai cru bon de la signaler aux autres communes rurales qui n'ont que de faibles ressources.
[...]
Je passe, sous silence la remise d'objets séparés. Ils sont trop. Les donateurs me permettront de les remercier ici en bloc. Chacun a mis de ses doigts et de son cœur pour aider nos prisonniers à ne pas avoir froid.
|
Les maisons d'alimentation de la place ne pourraient-elles pas nous envoyer des andouilles, du jambon fumé, de « petites » boîtes de conserve, du fromage dit « tête de mort », du sucre, du pain recuit des pruneaux, figues, amandes, noix, pour aider aussi ces malheureux à ne pas mourir de faim dans les geôles allemandes ? Ces dons en nature nous permettraient de ménager notre capital et d'étendre le nombre de nos assistés.
[...]
Dr CARADEC.
p. s. — M. Ducroquet, sergent à la 32e compagnie du 219e d'infanterie (cantonnement du Conquet). — Reçu hier vos cinq chaudes couvertures et vos chandails pour les prisonniers. Merci, mon brave. Seulement, ces objets seraient peut-être plus désignés pour les soldats du 219e que j'essaie en ce moment de ravitailler en chaussettes et en couvertures.
M'autorisez-vous à faire ce virement ?
|
 |