CROZON
OBSÈQUES DU SOUS-LIEUTENANT KERINEC. — Le mercredi 27 avril ont eu lieu, à Crozon, les obsèques du sous-lieutenant Louis Kerinec, tombé au champ d'honneur à Tracy-le-Val, le 1er août 1915.
Louis Kerinec était instituteur à Crozon à la déclaration de guerre. Il était très aimé des familles comme de ses élèves et jouissait de la sympathie générale. Aussi, la nef de la vaste église paroissiale était-elle insuffisante pour contenir la foule venue saluer sa glorieuse dépouille.
Sur le cercueil, recouvert du drapeau tricolore, étaient déposés le képi et le sabre de l'officier ; les enfants des écoles de la commune, tant publiques que privées, conduits par leurs maîtres et leurs maîtresses, marchaient en tête du cortège, portant de très nombreuses couronnes et des gerbes de fleurs.
A la suite du deuil, conduit par M. Pierre Kerinec, adjoint-maire, et son frère, avaient pris place M. Degé, inspecteur primaire ; M. Cariou, maire, et le conseil municipal ; les fonctionnaires, la gendarmerie, la douane. Tous les instituteurs du canton étaient présents et les sociétés locales y avaient envoyé des délégations : les anciens combattants, les anciens prisonniers de guerre, les médaillés militaires, l'union des retraités de la presqu'île.
Au cimetière, après les prières liturgiques dites par M. le chanoine Jacq, curé doyen, des discours ont été prononcés par M. le maire, l'inspecteur primaire et le président de la délégation cantonale.
M. Cariou dit l'émotion de la population crozonnaise qui salue aujourd'hui le retour dans la terre natale des premiers restes des victimes de la grande guerre. Il dit l'estime et la sympathie dont jouissait Louis Kerinec à Crozon, qu'il n'avait jamais quitté, enfin, sa mort héroïque. Il termina en disant la dette de reconnaissance que nous avons contractée à l'égard de ceux qui ont combattu pour la cause sacrée du droit et de la justice.
M. Degé, inspecteur primaire, retrace la carrière de Louis Kerinec, élève de l'école de Crozon, où il revint enseigner après avoir passé par l'école normale. Il rend hommage au maître intelligent et actif, donnant à ses élèves un enseignement vivant que chaque jour il cherchait à perfectionner.
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La grande guerre de 1914 l'appelle à d'autres devoirs ; il y apporte la même conscience, la même bonne humeur jusqu'au sacrifice suprême. M. Degé dit la leçon qui se dégage pour la jeunesse de tels sacrifices : « N'oubliez pas les morts, dit-il en substance aux enfants qui l'écoutent, ils nous disent : nous avons souffert, nous avons combattu, nous avons donné notre sang; faites que nos souffrances et notre mort ne soient pas inutiles. Nous n'avons pu cueillir le fruit de nos efforts ; nous vous demandons de continuer notre œuvre. » Et pour que le souvenir de ce maître se perpétue dans son école, une médaille a été placée dans sa classe au-dessus de la chaire qu'il a quittée en 1914. M. Dégé termine par des paroles de consolation à la famille, qui a la fierté légitime d'avoir donné un héros à la France.
M. Bott, au nom de la délégation cantonale, dit en termes émus les qualités de cœur et d'esprit de son ami : nature aimable, gaie, généreuse, qui gagnait la sympathie de tous ceux qui l'approchaient. Louis Kerinec était avant tout un homme de cœur et de devoir ; tel il fut comme instituteur, tel il fut à l'armée lorsque la patrie en danger fit appel à ses services. Sa correspondance avec ses amis le montre vibrant, épris d'idéal, d'amour de la patrie. Il était adoré de ses hommes, que sa mort jeta dans une tristesse profonde.
M. Bott donne lecture d'extraits de lettres écrites du front par Kerinec, où se retrouvent la bonne humeur, le mépris de la mort, la volonté de faire son devoir jusqu'au bout, avec l'espoir du retour dans ce coin, de Bretagne qu'il aimait tant.
M. Pleven, juge de paix, au nom de l'Union des combattants, adresse un adieu suprême à l'officier Louis Kerinec et fait déposer une couronne sur son cercueil.
Cette cérémonie laissera une impression inoubliable dans l'esprit de l'assistance, et particulièrement de la jeunesse scolaire, à laquelle elle aura été une réconfortante et inoubliable manifestation d'union sacrée.
La Dépêche présente ses condoléances à Mme Kerinec, sa dépositaire à Crozon. |
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