[...] 3e affaire.
- Le Page, Pierre-François, employé, né a Lambézellec et demeurant à Crozon.
L'acte d'accusation expose les faits suivants :
MM. Chancerelle, frères, possèdent à Morgat, canton de Crozon une usine pour la préparation des conserves de sardines. Le 12 octobre, vers huit heures du matin, le commis principal de cet établissement constatait qu'une somme de 5,200 francs en billets de banque et en espèces d'or et d'argent, avait été enlevée du bureau, la nuit précédente. Le malfaiteur avait escaladé d'abord le mur d'enceinte, était monté au moyen d'une échelle trouvée dans le voisinage, sur le toit du bâtiment à l'intérieur duquel se trouve le bureau, formé par de simples cloisons en briques surmontées d'un plancher, avait enlevé le carreau d'une fenêtre dite tabatière, située au-dessus du bureau, s'était introduit par cette ouverture sur le plancher supérieur formant le plafond, avait arraché une des planches au moyeu d'un ciseau et d'une lime, était descendu dans l'appartement en s'aidant des rayons d'une étagère et avait pris l'argent dans un tiroir qui ne ferme pas à clé.
La manière dont le crime avait été perpétré indiquait clairement que le voleur devait connaître l'état des lieux. Les soupçons se portèrent sur Le Page, employé de l'établissement, et homme de confiance du directeur. Tous les détails révélés par l'instruction semblaient les confirmer et démontrer la culpabilité de cet individu.
Bien qu'il prétende ne pas être sorti de chez lui dans la nuit du 11 au 12 octobre, il a été aperçu vers une heure et demie du matin, près de l'usine, et sa fille elle-même, a déclaré qu'il n'était rentré qu'à une heure avancée de la nuit.
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Avant d'escalader le mur de clôture, le voleur avait passé par dessus un amas de boue jaunâtre, dont on retrouvait des traces sur le mur et sur la gouttière ; or, des taches de cette même boue ont été constatées sur le manche d'un ciseau appartenant à Le Page. Cet instrument qui la veille au soir, avait été huilé par l'accusé, s'adaptait parfaitement aux empreintes laissées par l'accusé sur le plancher du bureau, et il existait de plus aux endroits où on l'avait appliqué des traces de matières grasses.
Pour prendre et remettre ce ciseau là où il avait été laissé la veille, lors de la fermeture de l'usine, et où on le retrouvait le lendemain, il avait fallu pénétrer dans la cave aux huiles par une porte dont il n'existe que deux clés, l'une gardée par le directeur de l'usine et qui, le jour du vol, était restée en sa possession, l'autre aux mains de Le Page.
Le lendemain du crime, la serrure de cette porte fut trouvée intacte. Elle n'avait donc pu être ouverte que par la clé de Le Page.
Quatre jours avant le crime, on avait vu Le Page prendre des mesures à la place même où l'effraction a été opérée, dans un endroit où personne n'allait jamais, sous aucun prétexte.
Avant qu'on eut songé à l'accuser, Le Page semblait redouter les soupçons et il cherchait à les prévenir; voyant le directeur passer devant lui, en pleurant, dans la matinée du 12, il ne lui dit pas un mot, bien que d'ordinaire, il s'empressât d'aller au-devant de lui pour le saluer.
Avant même que le crime n'eût été ébruité, il disait à un ouvrier qui travaillait près de lui : le bureau a été volé ; il est bien heureux que je n'aie pas couché ce soir là à l'usine, on dirait que c'est moi le voleur.
M. Terrier de Laistre, procureur de la République, soutient l'accusation.
M. Ronarch, avocat à Quimper, présente la défense de l'accusé.
Le Page, Pierre-François, a été acquitté. |
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