LA TEMPETE
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A CAMARET
Emouvant sauvetage
Les dix-neuf hommes de l'Ange Conducteur, de Douarnenez, arrachés à la mer en furie
La population a été mise en émoi, dans la nuit de jeudi à vendredi, par un coup de vent d'une violence extraordinaire. Ardoises, tuiles et vitres s'abattirent avec fracas dans les rues; des câbles électriques s'entrechoquèrent, provoquant de nombreux court-circuits. Quai Toudouze, les briques d'une maison en réparation furent arrachées par le vent et projetées sur le sol.
Le bruit produit par les éléments déchaînés était épouvantable.
— Il y aura de la casse cette nuit, dit le patron du canot de sauvetage; nous ne coucherons sûrement pas dans notre lit.
Un navire en danger
Peu après, en effet, c'est-à-dire vers 23 h. 15, le douanier de service aperçoit des signaux de détresse. Les canotiers du bateau de sauvetage Amiral Rivet sont aussitôt alertés. Rien de plus émouvant que ces appels dans la nuit.
— Allons, vite ! crie M. Heck, le dévoué président de la station.
Le canot roule sur son chariot. L'appel de l'équipage est fait. Il manque quatre canotiers : 50 volontaires se présentent, parmi lesquels l'administrateur de l'Inscription maritime, qui boucle rapidement la ceinture de sauvetage qu'on lui tend, mais un titulaire arrive à ce moment, et il doit lui céder la place.
— Avant partout ! Souque ! crie le patron Morvan. Et l'étrave de l'Amiral Rivet s'enfonce dans l'écume. Le canot bondit sur les vagues, avance rapidement... Le voici auprès du navire en détresse, L'Ange conducteur, n° 2.565, de Douarnenez. Encore un effort et il accoste.
Le dundee en perdition, monté par 19 hommes, a chassé sur ses deux ancres et est venu s'abîmer contre un caboteur.
Les deux bateaux sont à bout de chaîne.
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Que faire ? La situation est critique. L'Ange conducteur est crevé à la ligne de flottaison...
Pour écarter les deux navires, il n'y a qu'un moyen : mouiller une ancre par le travers. Oui, mais il faut aller en chercher une à terre.
— Allons-y ! dit Morvan. Bout au vent, le canot se dresse, puis retombe sur le dundee. Les canotiers redoublent d'efforts et parviennent, après des difficultés inouïes, à regagner la terre où ils embarquent le matériel indispensable...
L'ancre est mouillée dans la direction de la baie du Trez-Hir; le bout du câble est envoyé à bord et raidi à l'aide du treuil; les deux bateaux s'écartent l'un de l'autre.
L'Ange Conducteur est abandonné
Mais l'ouragan redouble de violence. La situation de l'équipage de l' Ange conducteur est devenue si critique que le patron décide d'abandonner le dundee. Les 19 hommes prennent place à bord de l'« Amiral Rivet », qui touche terre à 3 heures du matin, ayant mené à bien sa mission périlleuse.
Voici les noms des braves qui se trouvaient à bord :
René Morvan, patron; Pierre Le Bris, sous-patron ; Victor Salez, volontaire, secrétaire-trésorier de la station; Bernard Meil, Yves Guivarc'h, Auguste Landrac (père), Auguste Meilard, Victor Kerspern, Gabriel Callec, Emmanuel Ferec, Louis Téphany, Pierre Mélénec, Joseph Pennec, Maurice Joly, François Le Bris, canotiers; Auguste Landrac fils, François Douaré et Jean Guermeur, volontaires.
Ayant été à la peine, ces braves méritaient d'être à l'honneur.
Au petit jour, on fit le tour du port pour se rendre compte des dégâts occasionnés par cette nuit terrible. Ils sont nombreux, hélas ! Ici et là, des gouvernails arrachés, des béquilles cassées, des canots crevés, des viviers démolis, etc.
Nos malheureux pêcheurs ont été bien éprouvés. Évaluer les pertes est actuellement impossible. |
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