La tempête qui s'est déchaînée sur la France presque tout entière n'a pas épargné le Finistère. Elle n'y a pas causé heureusement de grands sinistres, mais y a fait beaucoup de dégâts. Voici, à ce sujet, les dépêches que nous recevons de nos correspondants.
Notre correspondant de Douarnenez nous écrit, le 14 courant :
Une violente tempête sévit depuis le 12 courant. Elle continue toujours malgré les sautes de vent. Des maisons ont eu une partie de leur toiture enlevée, des tuyaux de cheminée ont été renversés et des arbres ont été déracinés.
Vers neuf heures du matin, la chaloupe Diligente, patron Morvan (Jules), de Camaret, jaugeant 15 tx.36 et faisant le service de commissionnaire entre Camaret et Douarnenez, se trouvait au mouillage dans l'île Tristan.
Le patron, la voyant dériver sur ses ancres, appareilla pour se réfugier au grand port. Mais l'étai de sa grande voile, quoique neuf, vint à casser et il fut obligé de se diriger au large pour gagner le port de Morgat. Malheureusement le vent augmentant sans cesse de violence, sa voilure fut enlevée par morceaux. Le bateau de sauvetage fut mis à l'eau, par les soins du patron Le Du, qui en prit le commandement. Il réussit à rejoindre la Diligente au milieu de la baie et prêta son aide à l'équipage pour mouiller ce bateau. Les deux hommes et le patron de la Diligente s'embarquèrent ensuite sur le canot de sauvetage qui les ramena à Douarnenez, vers quatre heures.
Une fois à terre, les marins de la Diligente ont trouvé chez un de leurs camarades, Victor Dagorn, toujours prêt à se prodiguer en ces circonstances, les vêtements et tous les secours nécessaires.
On annonce que la Diligente a fait côte à l'endroit dit la Lieue-de-Grève, à Tal-ar-Grip.
Au moment où arrivait le bateau de sauvetage, un petit canot de passage à l'Ile Tristan, n'ayant pu atterrir, était obligé de gagner le grand port. Il ne put le faire qu'après avoir passé par des péripéties émouvantes. Lorsqu'il arriva au bout de la grande jetée, on jeta des bouées flottantes aux deux hommes qui le montaient.
Ils saisirent un de ces engins, mais l'amarre cassa.
Heureusement ils conservèrent leur courage et leur sang-froid et gagnèrent le navire de l'Etat Zéphyr, qui les recueillit à bord.
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On est sans nouvelle d'une chaloupe de pêche, partie depuis deux jours.
On nous écrit de Camaret, 13 novembre :
Dès hier matin, le vent du sud faisait rage sur nos côtes. La mer était devenue subitement furieuse. Rien ne bougea cependant de toute la matinée. De midi à une heure le vent s'était calmé. Il passa à l'ouest et presque aussitôt au nord-ouest d'où il se mit à souffler avec une furie qui croissait sans cesse jusqu'à 5 heures du soir.
Vers 2 heures, le bateau du nommé Largenton (Hervé) arrachait sa chaîne et s'en allait à la dérive. Les nommés Gourmelen et Barbu (René) prirent un petit canot et allèrent mouiller l'ancre de Largenton, non sans s'être eux-mêmes très exposés. Ils venaient à peine d'arriver à terre que le propre bateau de Barbu partit aussi à la dérive. Barbu s'embarque avec son fils et sauve son bateau. Mais cette fois le père et le fils avaient failli faire naufrage. Le jeune Barbu s'était déjà déshabillé quand leur courage et une embellie les tirèrent de peine et ils purent atterrir. Pendant ce temps 6 à 7 navires du commerce chassaient sur leurs ancres. Deux d'entre eux mettaient leurs pavillons en berne. Le bateau de sauvetage était à la mer. Il alla d'abord au secours de la goëlette Nouvelle-Diane. Il y prit une aussière et l'amarra sur la bouée des chaînes de sauvetage. Le navire ne bougea plus. Les autres bâtiments qui chassaient sur leurs ancres s'étaient raccrochés aux chaînes de sauvetage.
Plusieurs pêcheurs ont fait preuve d'un grand dévouement, entre autres les nommés Le Roy (Louis) et Guéguinou (Jean-Marie). Ils sont allés au secours d'une chaloupe neuve dent le propriétaire était absent et l'ont sauvée, mais en courant eux-mêmes de très grands dangers. Ces braves gens qui ont dépassé la cinquantaine étaient à chaque lame couverts par la mer.
Les agents de la douane avaient, dès le début de la tempête, préparé leur matériel de porte-amarre et, au premier pavillon mis en berne, ils ont fait transporter ce matériel sur la côte en face des navires en danger.
Un seul bateau a sombré, c'est celui de Morvan (Auguste), père de 7 enfants et dont le seul gagne-pain était sa barque. Voilà une famille dans la misère, si l'administration ne lui vient en aide.
M. Mélénec a vu aussi un de ses viviers à langoustes se défoncer à la côte. Il a perdu de ce fait environ 450 crustacés. |
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