AU THÉÂTRE ANTOINE
Nous l'avions bien dit. Les résultats de la matinée d'hier ont dépassé toute espérance. Les recettes maxima de ce théâtre si petit et où M. Antoine a fait cependant de si grandes choses oscillent d'ordinaire entre 3,300 et 3,500 francs. Hier, la recette a dépassé 10,700 francs. II y aura quelques misères de plus soulagées au pays breton. Dans la presqu'ile de Crozon, tout au moins, car, de concert avec les peintres Cottet et Mauffa, M. Antoine a tenu dans l'impossibilité où ses amis et lui étaient de secourir toute la Bretagne à venir en aide tout d'abord aux habitants de ce coin où, chaque année, ils vont se reposer des fatigues de l'hiver. Pour secourir les habitants de la presqu’île, depuis Morgat, Crozon, La Palue, le cap de la Chèvre jusqu'à Camaret et Le Fret, il fallait agir vite, car on a faim là-bas, et les secours officiels, jusqu'à présent, se sont réduits à des sommes dérisoires. Sur l'initiative d'Antoine, M. Gustave Toudouze un vieil habitué de Camaret lui aussi, est parti, deux heures après la représentation. Il emporte la recette. Et il distribuera cet argent conformément aux vœux de ses amis.
Il nous a dit hier comment il comptait procéder :
Je compte m'adresser au maire de Camaret, que je connais particu- lièrement, homme très intelligent et très sûr. Je vais faire appel au recteur, à l'instituteur, au commissaire de la marine, au médecin, aux syndic de la mer et maître de port, aux conseillers municipaux. Je leur soumettrai les intentions d'Antoine et de Cottet, absolument d'accord avec moi pour la manière de venir en aide aux pêcheurs et aux autres.
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Car à côté des pêcheurs se trouvent les soudeurs de boîtes et les frituriéres ou fritouzen employées dans les usines à sardines et qui meurent également de faim.
Sur la manière dont l'argent recueilli hier va être employé là-bas, M. Gustave Toudouze nous a fourni également d'intéressants détails :
Mon intention est de ne pas donner d'argent à ses malheureux, qui, dans l'état de misère où ils se trouvent, ne penseraient qu'à boire pour s'étourdir et oublier leur misère. Ce qu'il faut, c'est ouvrir des crédits chez les fournisseurs, boulangers, épiciers, bouchers, éteindre une partie des dettes, sinon tout, car les commerçants aussi sont intéressants, eux qui ont vendu à crédit et se sont trouvés ainsi les premiers qui soient venus au secours de leurs malheureux compatriotes. Il y aurait bien d'autres choses à faire; mais l'essentiel peut se résumer en ceci : prévoir et assurer l'avenir, faire en sorte que les pêcheurs puissent vivre, manger, jusqu'au moment où la pêche pourra reprendre, c'est-à-dire avril ou mai. Je compte aussi demander la création de sortes de fourneaux dans les deux hôtels de Camaret, l'hôtel de la Marine, tenu par Mme Dorso, la doyenne du pays, et l'hôtel de France, tenu par Mme Le Goff. On donnerait des soupes, des aliments chauds que l'on pourrait prendre sur place ou emporter. Voilà comment on pourrait opérer. |
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