Landévennec, 24 août, — Notre correspondant nous écrit : « Les habitants de notre paisible localité et des villages échelonnés sur les hauteurs de la partie occidentale de la commune ont été un moment, hier, dimanche, quelque peu surpris en percevant le son d'instruments de musique alternant avec les modulations d'accents pieux qui semblait provenir d'un point quelconque de la rivière. C'était, en effet, une aubade de pèlerins se rendant de Brest à Rumengol et que deux bateaux à vapeur, le Saint-Joseph et le Mousquet, transportaient au Faou. Répétition, le soir, au retour.
Trois autres vapeurs ont effectué, ce même jour, une promenade à Landévennec. C'étaient le Saint-Michel, patron Nicolas, la Marianne, patron Yvinec, et la Louise. Les deux premiers, venus de Port-Launay, avaient amené plus de trois cent promeneurs. Du reste, M. Le Bot, armateur de la Marie-Anne, avait gracieusement mis son navire, plus un grand chaland remorqué par celui-ci, à la disposition de ses invités et du public.
« Arrivée de Brest, après escale à Lanvéoc, la Louise avait également à bord beaucoup de passagers. La marée était basse et la mer avait depuis un certain temps quitté la cale de Port-Maria, lieu habituel de débarquement. Cela n'empêcha pas le patron d'échouer son bâtiment en face, mais loin de ce point, au lieu d'aller, ainsi qu'il est d'usage en pareil cas, déposer son monde sur la chaussée de Penforn. Cette chaussée est située un peu en amont. Après un quart d'heure de charmante promenade, l'on eût regagné à pied le but final du voyage.
Pour descendre à terre, les plus pressés ont été dans l'obligation de se déchausser et de barboter dans des fonds mous et vaseux, au risque de s'entailler les pieds et de maculer leurs vêtements du dimanche. D'autres, plus patients ou mieux avisés, ont pris le parti d'attendre à bord, certains, au prix d'un jeûne atrocement prolongé, que le flux leur rendrait la liberté.
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« Au moment du rembarquement, qui s'opérait au moyen de canots, un incident, sans gravité, mais qui aurait pu tourner au tragique, s'est produit et a causé une vive émotion.
« Un des canots quitte la cale et accoste le Saint-Michel, qui s'en trouve séparé de quelques mètres. Le transbordement commence, quand un monsieur, en voulant escalader la lisse du navire, tombe sur le plat-bord de l'embarcation d'abord, à l'eau ensuite, entraînant après lui une femme, qui ne s'attendait nullement à ce bain.
« Une panique a lieu, des cris se font entendre; on s'accroche les uns aux autres, l'équilibre est rompu, et la stabilité de l'embarcation compromise ; le danger devient imminent. Alors quelques spectateurs n'hésitent pas : l'un se précipite à l'eau tout habillé et, par des coupes vigoureuses, arrive vite; un autre se met à la mer afin de saisir le youyou de la douane et de prêter son concours ; un troisième s'apprête à s'élancer, lorsque par bonheur, les personnes qui sont dans le canot, recouvrent leur sang froid et repêchent, sains et saufs, l'homme et la femme, cause involontaire de tout cet émoi.
« Quant aux courageux sauveteurs, dont le dévouement n'a pas, heureusement, eu à s'utiliser, ils ont regagné terre au milieu d'un chuchotement approbateur.
« Si l'on considère les faits qui précèdent et en même temps l'importance, chaque jour croissante à Landévennec, de la navigation à vapeur en rivière, on arrive à cette conclusion que le principal, pour ne pas dire le seul point d'atterrissage dit « Cale de Port-Maria », est devenu d'une insuffisance notoire, et que cet ouvrage devra être prolongé de 30 à 40 mètres, avant qu'il soit en mesure de rendre les services indispensables en vue desquels il a été créé. » |
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