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L'ivre du Soleil
Anthologie biographique du poète Saint-Pol-Roux
de Brigitte Charoy

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Paul Éluard, Max Jacob, Jean Cocteau, Robert Desnos, Octave Mirbeau, André Breton, Jean Giono, Aragon, Victor Ségalen et combien d’autres de ses contemporains ont-ils affirmé l’importance majeure de Saint-Pol-Roux pour la
littérature française du XXe siècle... Alors, pourquoi est-il si
peu connu ?
Parce qu’il ne publia rien après 1907, faute d’argent et
d’éditeur. Parce qu’il construisit son œuvre loin de Paris — Paris qui est « tout ». Parce que l’argent enfin arrivé s’envola dans un manoir ruineux. Parce qu’un poète est rarement un homme d’affaires. Parce que la guerre mutila gravement le fruit de décennies d’écriture.
Saint-Pol-Roux a raconté, dans de nombreux poèmes le plus souvent en prose, plusieurs épisodes de sa vie, de Marseille à Paris, dans les Ardennes, et enfin dans le Finistère, à Roscanvel puis à Camaret où il passa les trente-cinq dernières années de son existence. L’ivre du Soleil est
une sélection de ces textes, présentés chronologiquement,
pour faire connaissance d’un même coup avec la vie et l’œuvre de cet humaniste, simple, généreux, et tellement vivant...
Que la découverte du surprenant et génial Saint-Pol-Roux vous soit une Joie !
L’auteure : Libre.
Très vivante (depuis 1958).
Autodidacte congénitale.
Entre autres, un peu poëte, un peu historienne.
C’est son cinquième livre.

Sortie : 29 novembre 2022 -
264 pages -
14.8 x 22 cm -
Prix : 15 €
Points de vente
Camaret :
- Comptoir de la mer (quai Téphany)
- U Express
- La Fabrique de l'Histoire de Camaret (place St-Thomas) : jeudi à dimanche, 14 h - 18 h
- La Bouquinerie (place Saint-Thomas)
Crozon :
- Librairie Le parchemin (rue de Reims)
- Leclerc, espace culturel (ZAC du bourg)
- La maison de Milie (rue Alsace-Lorraine, face à l'école)
Telgruc :
- L'îlôt KDO, 4 rue de la mairie
Vente par correspondance
15 € + frais d'envoi France 6 € = 21 €
Paiement :
- par virement bancaire
Titulaire du compte : CHAROY BRIGITTE
IBAN : FR76 4255 9000 5141 0130 1353 554
BIC : CCOPFRPPXXX
- par chèque libellé à l'ordre de : Brigitte Charoy, à envoyer à :
Brigitte CHAROY Kerellou 29160 CROZON
tel : 02 98 17 08 08
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Extraits...
L'ORDURE ET LE DIAMANT
Camaret, 1892
[...] On frappe à ma porte, celle donnant sur la mer, car j'habite l'ancienne « gendarmerie nationale », proche de « l'inscription maritime » du quartier camarétois.
— Entrez !
Dès le seuil, le petit père Geai, une figure rougeaude encadrée d'un collier blanc, me lance respectueusement :
— Monsieur, je viens solliciter la chose.
— La chose ?
— Oui, vous partez demain. J'ai pensé qu'entre fournisseur et client que nous sommes on pourrait s'entendre.
!!!...
Un éclair me vrille soudain. Pourquoi pas ?
C'est dans le domaine du possible. Au surplus à son entrée, le père Geai a, ce me semble, regardé le manuscrit. Douter le moindrement serait offenser mon hôte. Le digne homme a quelque fortune et désire la mettre au service du poète. Le lièvre est là, pas besoin de creuser davantage.
Évidemment on vient s'emparer du manuscrit aux fins de le faire imprimer. Qui sait même — eh ! eh ! — si le fin pèlerin ne s'embarque pas à peu de frais dans une très lucrative aventure ?...
Incendié de joie, je me précipite vers le père Geai, l'empoigne, le soulève comme une potiche et le dépose en l'unique fauteuil.
Flatté d'une telle réception, le vieillard balbutie, cherche dans sa gorge des phrases que ma lame de fond a désemparées — me laissant le temps de lui trouver une admirable tête de Mécène. (À coup sûr le favori d'Auguste1 devait être rouge de visage et porter la barbe en collier.)
— Ainsi, mon bon père Geai, vous y tenez à ce point ?...
— Si j'y tiens, mon bon voisin ! Vous, les Parisiens, c'est pas comme les malheureux, vous vous nourrissez bien... C'est de la bonne pourriture pour le jardin...
— Ouais ?...
Mes orbites s'agrandissent comme les organeaux du quai.
— D'abord ça débarrassera le local que vous quittez demain... Néanmoins voici tout de même vingt sous, et davantage si vous désirez...
— Mais... mais... de quoi, oui de quoi s'agit-il enfin ?... balbutié-je à mon tour.
— De votre tinette2, pardi !
Fou, sentant qu'une dynamite intérieure va épivarder mon individu contre les quatre murs, je saute sur le maillot de bain appendu à la patère, grimpe cinq à cinq les escaliers de la chambre, me déshabille, revêt le maillot en un clin, redescends huit à huit, passe en torpille devant le père Geai crucifié dans le fauteuil et, le quai me servant de tremplin, je bondis et pique une tête au tréfonds de la mer au grand ahurissement du bonhomme qui, mû vers le seuil, doit me prendre pour un loufoque de grande envergure.
Quand je remonte à la surface, c'est pour entendre le père Geai braillant du quai :
— Alors c'est convenu, n'est-ce pas, c'est conclu ?
Mais je repique aussitôt, — répétant le manège jusqu'à la disparition du tenace voisin, jusqu'à l'extinction totale de mon vésuve intérieur.
Sorti d'un bain qui m'a dû sauver d'une attaque d'apoplexie, je m'habille et je décide d'aller, en guise de diversion, porter l'argent du loyer échu.
Après la rue de la Poste et la place du Marché j'aboutis à la rue très étroite qu'habite mon propriétaire.
M. Couture est devant sa porte, qui me harponne de ses
extraordinaires yeux noirs.
— Je viens vous faire mes adieux et vous remettre ces quelques ors.
— Il s'agit bien de ça ! réplique-t-il, et, s’emparant de mon bras, il m'entraîne dans son magasin de mercerie plutôt sombre.
[...]
1 Allusion à Mécène, un proche de l’empereur romain Augustus.
2 Tinette : récipient pour les ordures et les excréments.
FRAPPEZ ET L’ON VOUS OUVRIRA
J’allais, plein d’Elle.
Son nom ?
Le sais-je !
L’inconnue.
Existait-elle seulement ?
Elle, sans plus.
J’allais…
Je m’arrêtai devant une porte, la porte d’une chambre, dans un logis, en une ville, que je ne saurais retrouver, ni
la ville, ni le logis, ni la chambre, ni la porte.
— La chambre est vide, et personne jamais n’y demeura.
M’avait dit, à la première marche de l’escalier, un nain si parvule1 que j’étais comme aveugle le bref instant de sa phrase.
Je frappe.
Toc…
Rien.
Toc toc…
Rien encore !
J’insiste.
Toujours le silence.
Elle doit être là pourtant, protestai-je, puisque je suis venu.
Sinon serais-je venu, moi qui ne vais nulle part ?
Je suis certain qu’elle est derrière cette porte.
Qui donc ?
Elle, encore une fois !
Mon attente me paraît exorbitante à la fin.
Je m’acharne.
Toc toc toc…
Cela fait un vacarme à réveiller le néant.
Toc toc toc toc…
Impatient, je regarde par le nombril de fer de la porte.
Au milieu de la chambre, une petite fille…
Toute nue…
Lui fallut-il pas le temps de naître ?
J’eus tort de m’irriter.
J’espionne derechef.
D’un regard à l’autre la voici demoiselle déjà.
Lui fallait-il pas le temps de grandir ?
Toute nue toujours, et que jolie !
Si je n’appréhendais d’abuser, discrètement je frapperais.
Mais lui faut-il pas le temps de se vêtir ?
Attendons encore l’espace d’un coup d’œil.
Une chemise, blanche comme un lange, à présent la couvre.
Risquons un appel timide.
Toc…
Eh laissons-lui le loisir de se blottir en la tulipe d’une robe !
Enfin !
Dieu la belle dame !
Le moment est propice.
Toc toc…
La porte s’ouvre.
J’entre.
Paris, 1889.
1 Parvule : du latin parvulus, très petit.
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