Péri en mer !
de
Gustave Toudouze
Réédition de la version originale du grand roman populaire de 1889 qui a fait connaître Camaret et la vie des pêcheurs de sardines à la France entière.
« Tout semble s’être réuni là pour séduire et effrayer, pour étonner, pour frapper l’imagination, pour jeter l’esprit aux vertiges de l’immensité et du mystère, pour faire comprendre ce que c’est que la fin d’un monde, le Finistère (Finis Terræ) du monde ancien : c’est le Chaos, c’est l’Infini, c’est la Poésie embaumée, c’est le Rêve, c’est la Légende, c’est la hurlante Épouvante ! »
« Mais vous avez du talent mon camarade ! ». Cet éloge adressé à Gustave Toudouze est signé Flaubert. Il aurait pu tout aussi bien venir de Zola, Maupassant ou Daudet, les grands écrivains naturalistes de cette époque qui le reconnaissaient comme leur pair.
Né et mort à Paris (1847-1904), Gustave Toudouze a écrit une trentaine de romans. Il a été très présent dans la vie de Camaret-sur-mer les deux dernières décennies de sa vie, le quai porte aujourd’hui son nom.
Sortie : 16 février 2024 - 216 pages - 13 x 18 cm - Prix : 8 €
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Camaret :
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Les deux versions de Péri en mer !
Le 22 novembre 1900, la Dépêche de Brest annonce la décision du conseil municipal de Camaret de nommer le « grand quai » de la commune « quai Gustave-Toudouze » pour remercier l'écrivain. Grâce à ses relations parisiennes et ministérielles, il a permis à la petite ville de garder le Château Vauban, célèbre tour de défense dont l'État voulait s'emparer ; grâce à lui, elle aura bientôt le statut de « monument historique ».
Mais une autre raison a motivé la décision des édiles de Camaret. Ce roman Péri en mer !, sorti onze ans plus tôt, a été le premier d'une série qui a su attirer l'attention publique sur ce charmant petit port de pêche et sa station balnéaire explique le conseil municipal. Cela valait bien un nom sur une plaque !
Dans la dédicace qu’il fait à son ami Paul Eudel, Gustave Toudouze explique les raisons qui l’ont amené à Camaret : « Ce n'est pas un pays, c'est un rêve : c'est à deux pas de Brest et les Brestois le connaissent à peine, tellement on y va difficilement ; d'abord, une heure de traversée en bateau à vapeur, toute la rade de Brest au Fret, puis une autre heure en carriole du Fret à Camaret. Peu de Parisiens osent affronter de pareils moyens de locomotion, surtout pour aboutirà une presqu'île, plongeant ses extrémités en plein Océan, en face de l'Amérique ! Aussi, c'est exquis. Personne !!! De l'air, du sable, des galets, des roches fantastiques et des vagues splendides auxquelles on doit de continuels naufrages ! On vit là comme sur un écueil loin de tout, au milieu d'une population de braves gens qui auraient inventé le courage et le désintéressement, et qu'en tout cas, les ont précieusement recueillis. [...] Je passe là mes vacances et j'entasse notes sur notes ; ce livre en est sorti, vrai d'un bout à l'autre, bourré de portraits, de paysages et de faits que j'espère avoir fait ressemblants.»
Pour être ressemblant, il l’est ! Gustave Toudouze est un observateur très précis, le quotidien du port de Camaret est bien là. Certes, on voit peu la pauvreté dans laquelle vivait pourtant une grande partie de la population — les personnages du roman ont tous un toit solide au-dessus de la tête et mangent à leur faim — mais il est indéniable que le Camaret qu’il raconte est vrai.
Quoique parisien (« défaut » terrible, déjà à cette époque), il a su, au fil des ans, se faire accepter sur le quai, dans les bistrots, sur les bateaux. Rien d’étonnant, l’homme était affable, simple, d’abord facile, les frères Goncourt l’appelaient le gentil Toudouze…
Le Camaret de Péri en mer ! est vrai aussi dans ses excès.
Quand sont réfugiés dans la baie et le port des centaines de bateaux à cause du mauvais temps, et que les équipages se répandent dans la ville, parfois jusque dans les champs pour se servir en patates et autres légumes — la misère est grande dans toute la région, le pillage est pour certains une nécessité — l’ambiance n’est plus du tout bucolique. L’alcool coule à flots, les bagarres se multiplient. On ne peut rien faire face à la horde violente car il n’y a qu’un seul gendarme à Camaret. Alors on attend que cela finisse en espérant s’en tirer sans trop de dégâts. Sur le quai, il y aura des vitres à remplacer et quelques chaisesà réparer, mais les chiffres d’affaires faramineux le permettront sans difficulté.
De tels événements arrivent régulièrement, les archives communales et préfectorales en témoignent. Gustave Toudouze n’exagère pas. Il dit bien le « vrai » Camaret de cette fin de siècle.
Mais quand cinquante ans plus tard (en 1947), son fils Georges, fait rééditer le roman, ces outrances ne sont plus acceptables. À ses yeux ? À ceux de ses lecteurs ? On ne sait. Toujours est-il qu’il supprime les deux pages décrivant cette scène.
Nous avons découvert d’autres changements dans le texte.
Des mots, des phrases entières parfois, sont modifiés. Un cœur simple et grossier devient simple et naïf ; ivresse bretonne se transforme en ivresse pesante des gens de mer ; des chansons remplacent des vociférations ; la bave de bouches vociférant des injures, des chansons, où le vent terrible de l’ivresse soufflait son haleine embrasée, empoisonnée d’alcool disparaît, et à la place on lit une description des chaloupes arrivant au port dans la tempête ; etc.
Les raisons pour lesquelles Georges Toudouze, historien et écrivain, a censuré, lissé, le roman de son père ne nous sont pas entièrement connues, mais il nous a semblé important de signaler le fait car les rééditions successives de Péri en mer ! reprennent l’édition tronquée de 1947, et donc bien peu de nos contemporains ont lu la version originale, version que vous avez entre les mains.
Nous avons choisi de reprendre l’édition de Flammarion de 1905, à laquelle nous avons ajouté des notes de bas de page pour expliciter certains termes.
Un extrait du roman
Tout à coup, au moment où, sa barque pleine à couler, absorbé dans la joie du beau gain qu’allait lui rapporter sa pêche, Tonton Corentin, dans les parages de la Parquette, un écueil au large de Pen Hat, faisait dresser les mâts, un souffle léger passa sur lui, une caresse de la brise qui se levait.
Il eut un sursaut, pointa ses prunelles expertes sur la ligne d’horizon, et montra à son équipage une sorte de barrière opaque, encore brumeuse, s’élevant derrière l’Ar-Men, très loin dans le bas, ouest-sud-ouest.
— Diable ! fit-il seulement.
Les hommes regardèrent à leur tour ; mais Garrec assura :
— Nous avons le temps ; même que cela va nous aider à rentrer plus vite que nous ne le pensions. Pas besoin de revenirà la nage, comme on le craignait au départ !
Il riait, satisfait, aidant à ranger les lourds avirons que cette mer d’huile avait fait préparer pour le retour.
Il leur fallut très peu de temps pour gagner la pointe du Toulinguet, en passant au-delà de la roche Le Trépied, sans venir s’engager dans le passage du Corbeau ; ils laissaient ainsi sur leur droite tous ces dangereux cailloux, où moutonnait déjà une frisante collerette d’écume.
Avant de tourner la pointe, à peu près à la hauteur de l’énorme îlot Le Toulinguet, non loin de la Louve, le patron donna un dernier coup d’œil au loin :
— Ma Doué ! si ça continue de souffler aussi fort et aussi régulièrement du même point, il ne fera pas bon en mer ce soir : gare aux traînards !
De toutes parts on voyait les barques se rassembler, toutes le cap au nord, aussi bien celles qui se trouvaient encore attardées dans le voisinage du Raz de Sein, que celles qui pêchaient aux Tas-de-Pois, aux Pierres-Noires, à l’anse de Bertheaume. C’était une fuite générale devant le coup de vent qui se préparait, grossissant peu à peu, commençant à remuer les vagues, à les faire neiger le long des côtes, autour des écueils.
Étant donné la croissante vitesse de la bourrasque, il était impossible, même pour celles de Douarnenez, de chercher à rentrer à leur port d’attache et de lutter contre un souffle pareil ; mieux valait, au contraire, s’en servir pour se réfugier en toute hâte à Camaret.
Ce fut une course folle sur la mer blanchissante. Corentin s’estima heureux de se trouver rentré parmi les premiers, pour se débarrasser à bon compte de son chargement, car, en présence de la masse de barques survenant les unes derrière les autres, chargées de poisson, les prix baissèrent considérablement, les usines regorgeant.
À la tombée du jour, il en arrivait encore ; mais déjà, sous la violence continue du vent, la mer montante déferlait terri blement, balayant la jetée d’une poussière d’écume qui retombait en pluie jusque dans les eaux plus calmes du port.
Bientôt on aurait pu compter près d’un millier de barques, quiétaient venues chercher un abri à Camaret, et les équipages, descendus à terre, leur poisson vendu, commencèrent à mener grand train dans les débits et dans les cafés.
Ils étaient là comme en pays conquis, se trouvant trois fois plus nombreux que les Camarétois, buvant, mangeant, se querellant, faisant partout la loi, avec l’insolence de leur nombre et de leur force. Déjà bien des batteries avaient eu lieu, que l’unique gendarme de la localité était tout à fait incapable de pouvoir empêcher ; aussi laissait-on faire, dans l’impuissance de réprimer ce désordre, de se défendre contre cette horde violente.
On aurait dit d’un port pris d’assaut, mis au pillage ; jusque dans les champs, là-haut, autour des moulins, vers Pen Hat, Lagatjar, Kermeur, il y en avait qui rôdaient, volant des pommes de terre, des choux, des carottes, avec l’égoïste rapacité de gens qui ne possèdent rien sur terre et ne vivent que sur l’eau, en pirates.
C’était toujours avec une certaine anxiété que les gens de Camaret, d’humeur plus douce, voyaient arriver ces avalanches de Douarnenéziens, et les plus prudents se calfeutraient pouréviter d’avoir quelque mauvaise affaire avec eux.
Ce soir-là, perdus au milieu de la tourbe grouillante, leur journée terminée, ils firent comme d’habitude, sauf quelques-uns qui avaient des amis parmi les quelques pêcheurs raisonnables de Douarnenez, ou ceux qui profitaient de l’occasion pour faireégalement tapage, luttant d’ivrognerie avec ces Russes.
Tous les établissements étaient pleins à déborder ; les boulangeries, envahies d’abord, avaient été entièrement vidées, car acheter du pain est la première préoccupation des Douarnenéziens : dès qu’ils sont à terre, on les voit, un grand pain rond sous le bras, leur petit béret bleu plissé régulièrement, donnantà leur petite tête l’aspect d’un champignon haut perché sur leurs épaules massives et leurs grands corps.
Des groupes roulaient, titubant, l’œil voilé, la bouche pâteuse, du
Débit Moal au Café Geay, de la Descente des Pêcheurs au Café du Nord,
du Café du Port chez Bozannec À l’abri de la Tempête, passant par le
Café de l’Espérance, l’Hôtel de la Marine, avant de pousser jusqu’au
Café de la Rade, au fond du Styvel. [...]
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