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1922

Danger pour l'huître en rade de Brest

une enquête de Ch. Léger dans la Dépêche de Brest

 


vers 1900.

 

 

Les huîtres auront bientôt disparu

Les causes de la crise

Il faut interdire le dragage pendant quelques années

 

Les bancs de coquillages de toutes sortes qui garnissaient notre rade, disions-nous en février dernier, ont été détruits en grande partie. Et, après avoir examiné les causes diverses de cet état de choses, nous recherchions les moyens capables d'enrayer le mal.

Une industrie, dont vivent des milliers de familles dans notre seule région, était menacée de disparaître : nous jetions un cri d'alarme. A-t-il été entendu ? Quelles mesures alors ont été prises ?

A en juger par la situation présente, on est fondé à penser que l'on a tout simplement laissé se dérouler les événements sans tenter d'intervenir.

Aussi, le mal s'est-il accru. Il a pris aujourd'hui de telles proportions qu'il est devenu presque impossible de le combattre.

Voyons, en effet, quels ont été les résultats de cette méthode du laisser-faire qui a permis aux premiers intéressés eux-mêmes de tuer, par leur aveuglement, la poule aux œufs d'or dont ils tiraient leur subsistance. N'examinons, cette fois, que la seule question de l'ostréiculture.

Une première constatation s'impose : pas une huître n'a encore été mise en vente sur nos marchés, alors que d'ordinaire la livraison des premières commandes s'effectue dans la deuxième quinzaine d'août. Si quelques spécimens sont, dans quelque temps, présentés aux acheteurs, ils atteindront des prix jusqu'alors insoupçonnés et qui seront bien faits pour démontrer jusqu'à quel point l'huître s'est raréfiée.

La situation est telle que le bureau du Syndicat général de l'ostréiculture et des cultures marines et de leur commerce en France, adressant aux membres une convocation en vue de l'assemblée générale qui va se tenir à Paris le 18 courant, débuta par ces phrases qui traduisent une crainte bien compréhensible :

« Nous nous étions tous fait une très grande joie de pouvoir nous réunir, cette année, à Auray sur l'aimable invitation du Syndicat ostréicole du Morbihan, à l'occasion de notre assemblée générale du S. G. O.

« Nous pensions, en souvenir de la façon extrêmement cordiale dont nous avions été reçus en 1911, aller en Bretagne, plutôt pour une sorte de fête amicale que pour y discuter âprement des intérêts de nos industries.

« Malheureusement, des événements sont intervenus; la crise terrible, que nous subissons depuis trois ans s'est particulièrement aggravée et, tous, producteurs, éleveurs, aussi bien que marchands, nous sommes actuellement extrêmement soucieux.

« Nous avons dû renoncer à cette réunion toute amicale et décider qu'en l'état actuel des choses, il était préférable de profiter du déplacement habituel des producteurs, en septembre, pour fixer notre assemblée générale à Paris entre deux malines. »

En présence de pareil fait, nous croyons devoir reprendre à nouveau la question, afin d'en examiner de plus près les causes.

Nous avons déjà dit qu'une maladie avait littéralement dévasté nos parcs durant les deux dernières années. Aujourd'hui que le mal a disparu, le coquillage devient la victime d'un de ses plus redoutables ennemis : le bigorneau perceur. Comme les pieuvres, venues on ne sait d'où, ont ravagé toute la côte nord de notre département, ces bigorneaux ont envahi les parcs où ils s'emploient inlassablement à perforer la coquille des huîtres pour atteindre la chair dont ils sont très friands.

La tête munie d'une sorte de fourche à deux branches qu'ils manœuvrent à la façon d'un vilebrequin, ils ont tôt fait d'atteindre leur but, d'autant plus que leur victime ne possède contre eux aucun moyen de défense.

Ils sont à ce point nombreux que ces jours derniers, visitant un parc, nous en trouvions cinq opérant sur une même coquille. Certes, il n'est guère très aisé de se débarrasser d'un pareil ennemi, mais encore la tâche n'est-elle pas impossible, et ce n'est pas là qu'il faut chercher la principale cause de destruction.

Il faut malheureusement le déclarer à nouveau, le principal auteur de la crise actuelle est le pêcheur lui-même. Rappelons dans quelles circonstances on fut amené à le constater.

Au moment de l'armistice, les inscrits maritimes furent libérés parmi les premiers. Ils s'en montrèrent d'autant plus heureux qu'ils pouvaient reprendre leurs occupations professionnelles en pleine saison de pêche. Durant la guerre, comme on le pense, le champs d'exploitation s'était développé de façon considérable et la récolte des coquillages fut plus abondante que jamais.

Cet hiver-là, des bateaux ramenèrent fréquemment jusqu'à deux tonnes d'huîtres dans une seule journée.

Semblables résultats étaient bien tentants et, durant l'été 1919, toutes les barques de 6 à 12 tonnes mises en vente et susceptibles de tenir la mer tant bien que mal furent armées.

Si bien qu'en septembre, au début de la pêche, le nombre de dragueurs de notre rade avait augmenté d'autant plus considérablement qu'il en venait de tous les ports voisins, Le Conquet, Camaret, Douarnenez, etc.

Les chiffres des dragages effectués pendant la saison 1919-1920 n'avaient jamais été atteints. Pour tous, les gains dépassèrent de beaucoup les prévisions les plus optimistes. Comme bien l'on pense, cela n'était pas fait pour refroidir l'ardeur des pêcheurs.

Cependant, vers mai 1920, les ostréiculteurs constataient sur leurs parcs les premiers et terribles effets d'une maladie contre laquelle ils demeuraient impuissants. Vers septembre, la mortalité atteignait en général une proportion de 65 à 70 %. Tout faisait supposer qu'il en était de même sur les bancs naturels.

Que fit-on pour enrayer le mal ? On forma des commissions de gens incontestablement remplis de bonne volonté, mais qui, malheureusement, ne disposaient pas de moyens indispensables pour faire strictement appliquer leurs décisions.

A bord du garde-pêche Petrel, on embarqua deux inscrits chargés d'assister aux opérations de dragage effectuées sur les divers bancs en octobre et novembre, dans le but de faire toutes constatations utiles. Les résultats furent soumis à l'examen d'une commission composée de l'administrateur de la marine, de l'inspecteur de la navigation, d'un inscrit, d'un ostréiculteur, etc. Et c'est ainsi que l'on fixa la durée de même que l'époque du dragage sur chacun des bancs naturels.

La mesure était sage, mais les moyens de la faire observer étaient par trop insuffisants. Les résultats désormais obtenus régulièrement par les pêcheurs, dont le nombre ne s'était guère réduit, leur semblaient bien insuffisants en comparaison de ceux qui les avaient favorisés les années précédentes. Et l'on ne tint guère compte de la réglementation.

Qu'y pouvaient faire les quelques gardes maritimes chargés de la surveillance de quartier étendus mais totalement dépourvus de moyens leur permettant d'intervenir ?

Il advint donc que pendant la campagne 1920-1921, de novembre à fin mars, on ne pêcha plus que deux cents kilos d'huîtres en moyenne par bateau.

A la saison suivante, 1921-1922, les mêmes barques n'arrivèrent que péniblement à en recueillir 50 kilos.

Ces résultats démontrent bien que les bancs, aujourd'hui dévastés, ne sont plus capables de faire face aux besoins normaux de la consommation. Comme l'huître parquée ne reproduit pas, et qu'il est impossible d'exercer une surveillance efficace des dragages, une mesure énergique s'impose, si l'on ne veut pas que disparaisse à tout jamais cette industrie. Il faut résolument interdire la pêche de l'huître pendant quelques années.

Même prise actuellement, une décision de ce genre serait trop tardive; mais elle seule peut encore laisser quelque espoir.

Souhaitons pour tous qu'on le comprenne.

Ch. LÉGER.

 

 

Un arrêté d'interdiction du dragage des huîtres sur toute l'étendue de la rade de Brest a finalement été pris en décembre de cette année 1922.

 

Source de l'article : la Dépêche du 16 septembre 1922

 

 

 

 

 

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